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« Cultiver plus de blé dur ? D’accord, à condition de nous en donner les moyens »

D'après les données FranceAgriMer, si les pâtes produites en France le sont uniquement à partir de blé dur français, 63 % des pâtes commercialisées dans l'Hexagone sont importées, principalement d’Italie pour les pâtes premium et d’Espagne pour les marques de distributeurs.

À l’approche des semis, les fabricants de pâtes et semoule appellent à augmenter la sole de blé dur française. Une demande qui fait réagir les lecteurs de Terre-net, qui en cultivent ou ont arrêté.

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« Il faut cultiver plus de blé dur » : c’est l’appel du Sifpaf, syndicat des industriels français de pâtes et semoule, lancé la semaine dernière aux producteurs de l’Hexagone, « renouvelant l’engagement de s’approvisionner à 100 % dans le pays ».

En l’espace de quinze ans, les surfaces cultivées ont été divisées par deux (238 548 ha en 2024 selon Agreste), alors que la consommation de pâtes ne cesse de croître (+ 8 % depuis 2019 – source Sifpaf).

Pour quelle(s) raison(s) ?

« Il faut mettre le prix ! »

L’avis des agriculteurs se montre relativement unanime sur la question : « il faut mettre le prix ! », répondent de concert Frédéric Pontonnier, Romain Pireyre et roelofdeboer sur les réseaux sociaux.

« Augmenter les prix et autoriser de nouvelles molécules pour lutter contre les graminées, et on en implantera à nouveau », commente également Romain Fougeron.

« Le blé dur est une culture historique du Lauragais, mais ses coûts de production relativement similaires à ceux du blé tendre, le risque climatique impactant la qualité de la récolte et les réfactions des organismes de collecte (PS, teneur en protéines, grains germés, mouchetés et fusariés…) font que l’intérêt de la culture diminue », témoigne Jean-Claude Rouzaud.

L’agriculteur compte entre 30 et 50 €/t de réfactions chaque année.

« Le prix de vente annoncé n’est jamais le prix payé », souligne également Bernard d’Eure-et-Loir, qui a arrêté le blé dur après la récolte désastreuse de 2016.

« Une culture à risques »

« Il faut le payer au moins 350 €/t vu les risques pris par les producteurs », estime-t-on à la SAS Doret Expertises.

« Le blé dur est devenu une culture trop aléatoire : à moins de 400 €/t, ce n’est même plus la peine d’en faire, indique de son côté Gilles Seguela. Quatre années sur cinq maintenant, on prend un carton à cause du rendement, des mycotoxines ou de la fusariose. Avec les prix actuels et les réfactions de la coopérative : il ne reste rien ! ».

« L’arrivée de la Turquie sur ce marché ne contribue pas à augmenter les prix », note aussi Christian Bessieres.

« Le blé dur est une culture à risques », résumait en juin dernier Frédéric Gond, président du comité de pilotage blé dur de l’interprofession et agriculteur dans le Loiret. « S’il résiste mieux que le blé tendre à de fortes chaleurs et se vend plus cher, son rendement est moindre, il souffre du manque d’eau et ses besoins en engrais azoté sont plus importants ».

Un arbitrage difficile

De plus, « l’envolée des cours du blé tendre et la flambée des prix de l’azote avec la guerre en Ukraine sont venues rebattre les cartes dans le choix des assolements ces dernières années. L’arbitrage est souvent fait en scrutant les cours mondiaux. Les agriculteurs estiment qu’il faut un écart de 80 à 100 euros entre blé dur et blé tendre pour que la culture soit rentable ».

Sur le marché européen, le premier s’affiche actuellement autour de 300 €/t et le second à 220 €/t.

(© Données FranceAgriMer)

Au fil des années, Jean-Claude Rouzaud a ainsi réduit la part de blé dur dans son assolement : « 10-15 ha par an au lieu d’une cinquantaine auparavant, au profit du blé tendre. Ce dernier est moins sensible vis-à-vis des maladies et du désherbage. Le blé dur est plus délicat vis-à-vis de l’implantation pour assurer un système racinaire performant ».

« Il faut également compter au moins 200 unités d’azote », précise l’agriculteur. Pour Denis Vernet, « il faudrait baisser le standard qualité du taux de protéines (13,5 %), on sait très bien faire des pâtes avec du blé dur à 12,5 % de protéines », estime-t-il.

« Nous sommes prêts à produire plus, mais il faut nous en donner les moyens », résume Jean-Claude Rouzaud. Il fait également part d’une forte attente vis-à-vis de la recherche variétale, pour des blés plus résistants face au changement climatique (maladies, manque ou excès d’eau…).

C’est d’ailleurs l’un des objectifs du plan de souveraineté blé dur lancé en février dernier : 25 des 43 millions d’euros prévus sur cinq ans sont dédiés au volet « sélection variétale ».

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